Sensibiliser au sujet de l’eau dans la Loire

Un semestre avec les étudiant.e.s de l'ENSAD autour des enjeux de l’eau dans les villages de Loire.

Écrit par Tom

Je suis artiste, designer, enseignant et co-fondateur du tiers-lieu. Je m’applique à proposer une vision de société la plus entière possible dans un temps ou la remise en question du paradigme socio-technique est complète. Mes sujets de coeur sont la redirection écologique, la low-tech ou encore la convivialité. Par là, j'interroge nos manières d’être et de faire ensemble. Au tiers-lieu, retrouvez moi dans l'atelier partagé avec mes outils préférés, dans le bureau en train de pianoter, ou encore dans la cabane en pleine discussion ou lecture passionnée !

12 juin 2024

Un semestre avec les étudiant.e.s des Arts décoratifs de Paris (ENSAD) autour des enjeux de l’eau dans les villages de Loire.

L’eau est un ressource en tension sur de nombreux territoires, et qui préoccupe les habitant.e.s

L’eau est une ressource en tension dans de nombreux territoires, et ce constat préoccupe à tous les niveaux de la société. Que ce soit pour l’agriculture, l’industrie ou encore les usages domestiques, l’eau est un besoin quotidien. 

Son manque impactera nécessairement nos modes de vie dans les années à venir. Considérant ces impacts qu’il est difficile de tous prédire, et qui seront variables sur chaque territoire, c’est un sujet sociétal à comprendre et à étudier. Et c’est sous cet angle que nous avons travaillé ce semestre. 

Depuis quelques années en France et notamment autour des territoires agricoles, des projets d’aménagement ou d’évolution de la gestion de l’eau soulèvent débats et mobilisation citoyenne parce qu’ils font craindre des réappropriations. Au creux de différents bassins versants, des collectifs citoyens se réunissent pour faire partie des processus de réflexion du partage de l’eau. C’est le cas dans la Loire, département d’Auvergne Rhône-Alpes dans lequel une démarche a été initiée l’an passée, occasionnant la rencontre entre des utilisateurs de l’eau tel qu’un golf, un syndicat de rivières, des élus.es, agriculteurs.ices et paysans.nes, citoyen.ne.s, collectivités qui ont mis à plat leurs enjeux et points de vue afin d’initier une démarche citoyenne de concertation, visant à la mise en place départementale d’un observatoire sur l’eau. 

Francoise intervient en visio pour présenter le contexte Roannais.

Comprendre des enjeux de territoire par l’enquête

Durant un semestre, les étudiants.es de licence 2 design objet de l’ENSAD se sont penchés sur le sujet afin de comprendre le contexte local. Grâce à un travail de documentation et de débats, puis d’enquête, les quatre groupes ont établi des constats et quatre problématiques principalement orientées sur la sensibilisation citoyenne : 

  • Est-ce que rendre accessible  à toutes et tous la mise en place de solution basées sur la nature, qui favorisent durablement la pénétration de l’eau dans les sols, peut participer à la préservation de cette ressource dans les prochaines années en respectant les milieux naturels ? 
  • Comment donner à comprendre le cycle de l’eau potable à partir de la lecture d’une facture d’eau, et par là donner à débattre les futurs impacts économiques de sa distribution ?
  • La lecture des paysages le long d’un chemin de randonnée peut-il offrir des clés de compréhension sur la présence de l’eau et sa gestion dans des contextes agricoles ?
  • Comment impliquer des jeunes générations sur les enjeux de l’eau, pour perpétuer durablement les démarches citoyennes portées en grande partie par des retraités.es ?

Ces questionnements les ont conduit à imaginer des projets qui participent à la réflexion des citoyens.nes de la Loire ou leur fournissent des objets concrets à tester pour sensibiliser des publics. Ce qui était un objectif général du projet. 

Prototyper des objets au service des habitant.e.s

Ce sont des prototypes, ou des maquettes qui creusent des pistes concrètes pour alimenter les réflexions locales et qui leur sont présenté par le biais de Tom Hebrard, lien avec le territoire à travers l’initiative du tiers-lieu paysan de la Martinière.

Pia, Laura, Jules, Tara après des échanges avec Françoise, grande connaisseuse et praticienne de la syntropie, ont proposé un manuel reproductible librement avec une imprimante de maison, pour favoriser le développement de chantiers participatifs autour de la syntropie. Des solutions fondées sur la nature, qui peuvent être reproduites chez soi, parfois même dans des jardins urbains !

Merlin, Raphaël, Victoria, Altaïr ont répondu à une réflexion de Jean-Pierre, qui envisageait que décrypter la facture d’eau de chacun.e soit une bonne manière de comprendre les enjeux du traitement de l’eau, et l’évolution probable de son coût dans les trente prochaines années. 

Marius, Yann, Anouk, Suzanne, inspirés par le point de vue de Nicolas qui est un fin observateur des paysages et de leur évolution dûe aux choix de modèles agricoles et à leurs conséquences écologiques, ont imaginé des panneaux de médiation et un parcours de randonnée pédestre pour donner à comprendre l’histoire d’une parcelle agricole, afin de se projeter sur leur évolution en lien avec les évolutions climatiques connues ce jour. 

Léopold, Lili, Annabelle, Emilio ont révélé une préoccupation d’embarquer à l’avenir des jeunes générations dans les démarches citoyennes. L’équipe de l’ENSAD a proposé une série de principes à mobiliser pour d’une part exister sur des réseaux sociaux sous forme d’un compte produisant des images choc sur le modèle des memes, d’autre part documenter sur un site attractif les temps de forum où des acteurs autour de l’eau se réunissent pour présenter leurs points de vue sur le sujet. Les réseaux sociaux redirigent vers ce site et un gabarit permet de documenter les rencontres à l’avenir. 

En plus, le site qui présente un véritable paysage dessiné, évolue à chaque clic pour finir par présenter un territoire désolé par la perte progressive de l’eau et l’augmentation tendancielle de l’artificialisation des sols et de l’activité industrielle. De quoi interroger les visiteuses et visiteurs de tous âges.

Dans certains de ces projets, le groupement citoyen Partag’eau est cité comme une des initiatives clé du territoire avec laquelle ces projets pourraient voir le le jour, ou non. Tout simplement parce que cette démarche réunit une bonne partie des acteur.ice.s interrogé.e.s, et qu’elle semble prometteuse ! Le tiers-lieu est partie prenante de la démarche. A suivre…

Un modèle pédagogique pour questionner la posture du designer

En filigrane, Tom Hebrard a sensibilisé sous forme de projet le groupe d’étudiants.es à une réflexion sur la posture du designer dans un monde aux ressources limitées. Une réflexion de fond qui conduit à une pratique mêlant enquête et relation plus fine aux spécificités de milieux de vie; Et demande de travailler à l’échelle des organisations humaines autant qu’à de nouveaux processus de production d’objets. 

Une réflexion dont les fondements sont notamment développés dans la contribution de Tom Hebrard et Samuel Chabré à l’ouvrage collectif Design des mondes ruraux dirigé par Emmanuel Tibloux et Ariane Brioist l’an passé (Ed. Berger Levrault).

Retour des étudiant.e.s

Comment avez-vous perçu la pratique de design en territoire à l’issue de ce semestre ?

“J’ai eu l’impression d’acquérir une culture générale sur l’agriculture, et de pouvoir parler à des gens et me baser sur ça.”

“Le territoire de la Loire a des thématiques précises : pas grand monde connaissait donc c’était assez intéressant.3

“J’ai entendu pas mal de paroles de personnes du terrain, et cela me permet de mieux me situer dans un constat qui ne sort pas juste de soi sur les enjeux écologiques.”

“C’était pas mal d’avoir un cours qui se focalise pas uniquement sur la production d’objet/ pas mal d’avoir pas imposé la production d’objet dans le sens d’une chaise, table, etc.”

“En même temps on sort de ton cours et on se demande « à quoi tient le design ? » ce qui caractérise le design. Tellement de casquettes pour être un bon designer que tu en est pas juste un. On peut pas en être juste un. Il faut plein de compétences.”

Qu’avez-vous pensé de cette approche des design methods comme complémentaire au design d’objet pour travailler à l’échelle des organisations et des productions ?

“Ça ouvre des possibles mais en même temps ça nous demande de nous interroger sur ce qu’on veut faire pour la suite.”

Bravo à l’ensemble des étudiant.e.s de licence 2 design d’objets de l’ENSAD pour ce travail !

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